Port-au-Prince, mercredi 24 décembre 2025
Le directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), Pierre Espérance, a rejeté catégoriquement les deux décrets adoptés par le Conseil des ministres le 18 décembre 2025 et publiés par la suite. Selon lui, ces textes constituent une menace sérieuse pour les libertés publiques, l’État de droit et la lutte contre la corruption en Haïti.
Pierre Espérance a indiqué que des discussions sont en cours avec d’autres organisations de la société civile en vue d’empêcher la mise en application de ces mesures. « Nous rejetons ces décrets. Ils ne peuvent pas être appliqués tels quels. Ce sont des textes conçus pour instaurer le secret, restreindre la liberté d’expression et protéger des responsables, alors même que le pays traverse l’un des pires désastres de son histoire », a-t-il déclaré.
Selon le responsable du RNDDH, l’adoption de ces décrets intervient dans un contexte particulièrement sensible, à l’approche de la fin du mandat des autorités de transition. Il estime que celles-ci chercheraient à se doter « d’outils juridiques » afin d’échapper à d’éventuelles poursuites judiciaires.
S’exprimant sur le décret relatif à la diffamation et à l’information, Pierre Espérance dénonce une tentative d’intimidation visant les journalistes, les défenseurs des droits humains et les citoyens engagés. « Depuis plus de cent ans, la liberté d’expression et la liberté d’association sont des acquis fondamentaux. Nous n’accepterons pas qu’un pouvoir de transition, soupçonné de corruption, utilise un décret pour faire taire les critiques et empêcher la reddition de comptes », a-t-il averti.
Le directeur exécutif du RNDDH s’est également montré très critique à l’égard du décret portant sur les hautes juridictions et les mécanismes de lutte contre la corruption et le blanchiment des avoirs. Il qualifie ce texte de « déni de droit », estimant qu’il affaiblit gravement les institutions chargées de combattre l’impunité. « Ce décret écrase toutes les batailles menées aujourd’hui contre la corruption, le blanchiment d’argent et les crimes financiers. Il vide de leur sens des institutions comme l’ULCC », a-t-il soutenu.
Pierre Espérance a rappelé que plusieurs de ces institutions ont été créées ou renforcées lors de précédentes transitions afin de garantir leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. « Si ces décrets sont appliqués, les organes de contrôle financier n’auront plus de raison d’exister. Leur fonctionnement est politisé et la validation de rapports sensibles, notamment ceux impliquant des autorités publiques, serait bloquée », a-t-il averti.
Il a également souligné le contexte de soupçons de corruption pesant sur certains membres du Conseil présidentiel de transition. « Lorsque des responsables cités dans des scandales, notamment celui de la BNC, prennent des décrets pour remodeler la justice et contrôler l’information, il y a un grave conflit d’intérêts », a-t-il affirmé, accusant les autorités de vouloir « organiser une impunité totale avant de quitter le pouvoir ».
Face à cette situation, le RNDDH annonce une mobilisation concertée avec d’autres acteurs de la société civile. « Nous travaillons à bloquer la mise en application de ces décrets. Même en leur absence, notre combat se poursuivra. Aucun texte ne peut annuler les obligations constitutionnelles ni les engagements internationaux d’Haïti », a insisté Pierre Espérance.
Il a enfin rappelé que le pays est lié par plusieurs conventions internationales contre la corruption et le blanchiment des avoirs. « Haïti a pris des engagements clairs. Ceux qui ont détourné des fonds publics ou abusé de leur position devront rendre des comptes. Ces décrets ne passeront pas », a-t-il conclu.

