Port-au-Prince, jeudi 25 décembre 2025 .
L’auto-amnistie accordée aux membres du Conseil présidentiel de transition (CPT) et du gouvernement durant la période de transition est « inconstitutionnelle » et relève d’« une vaine tentative de couvrir de graves infractions », a estimé Me Samuel Madistin, avocat au sein de la Fondasyon Je Klere (FJKL), réagissant au décret récemment publié par les autorités de transition.
Selon Me Madistin, le décret adopté en Conseil des ministres le 1er décembre 2025 et publié au Moniteur le 17 décembre 2025, sous l’intitulé de décret portant organisation et fonctionnement de la Haute Cour de justice, poursuit en réalité un objectif tout autre. Il s’agirait, selon lui, d’un texte « au titre trompeur » visant à « tenter de s’auto-amnistier ».
L’avocat soutient que ce décret chercherait à « couvrir du sceau de l’impunité les membres du CPT et ceux du gouvernement pour toutes les infractions, quelles qu’elles soient, commises durant leur passage au pouvoir ». Il affirme que cette mesure rendrait inopérantes les institutions chargées de lutter contre la corruption, le blanchiment des avoirs et le financement du terrorisme, ainsi que celles poursuivant d’autres infractions graves.
Pour Me Madistin, cette démarche viole les engagements internationaux d’Haïti en matière de lutte contre la corruption. « Aucune mesure législative ne peut mettre en échec les conventions internationales ratifiées par Haïti ni la Constitution », a-t-il rappelé, estimant que le décret ne peut « rendre chimérique et illusoire la lutte contre la grande corruption ».
L’avocat considère dès lors que le texte est juridiquement inapplicable. « Il est de principe qu’un décret ne peut aller à l’encontre de l’objet même du texte qu’il prétend mettre en œuvre », a-t-il expliqué, soulignant que la lutte contre la corruption ne peut être entravée ni par des immunités ni par des obstacles législatifs.
Me Madistin estime par ailleurs que le prochain gouvernement aura l’obligation, dès le 7 février 2026, d’abroger ce décret et d’engager des enquêtes pénales et administratives contre ses signataires. Selon lui, ces investigations devront permettre de comprendre « les raisons de la peur de la justice des auteurs de cet acte inqualifiable ».
Il a également mis en garde contre ce qu’il qualifie de « manœuvres dilatoires », consistant à contester le décret pour excès de pouvoir devant la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA), qu’il juge dysfonctionnelle. À ce titre, il a rappelé qu’un recours introduit devant cette juridiction, à la suite d’un arrêté présidentiel mettant fin au mandat de juges de la Cour de cassation sous la présidence de Jovenel Moïse, n’a toujours pas été tranché.
Selon Me Madistin, l’auto-amnistie décidée par le CPT et le gouvernement relève avant tout d’« une décision politique qui doit être réglée politiquement ». Il estime que le prochain pouvoir devra rendre ce décret inopérant et mobiliser l’ensemble des institutions d’enquête afin de faire toute la lumière sur la gestion des autorités de transition.
« Tous les cas d’abus de fonction, d’enrichissement illicite et de pots-de-vin doivent être élucidés avec un luxe de détails », a-t-il conclu, ajoutant que, loin de garantir l’impunité, ce décret devrait au contraire servir de point de départ à des enquêtes approfondies.

