WASHINGTON, mardi 22 juillet 2025 (RHINEWS) — En mission officielle aux États-Unis, Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), a entamé ce mardi à Washington une série de consultations diplomatiques de haut niveau avec les représentants de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) auprès de l’Organisation des États américains (OEA). Objectif : alerter sur la dégradation dramatique de la situation sécuritaire et institutionnelle en Haïti.
Le militant des droits humains prévoit également de rencontrer le secrétaire général de l’OEA, des membres de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), des représentants de Human Rights Watch, des parlementaires du Congrès américain ainsi que plusieurs acteurs du groupe de plaidoyer Advocacy Group in DC. À chacune de ces étapes, il dressera un tableau alarmant de la situation en Haïti, marquée par la violence des gangs armés, des exécutions extrajudiciaires et une impunité quasi-totale.
Gangs en expansion, État en repli
Pierre Espérance alerte particulièrement sur les agissements des coalitions criminelles Viv Ansanm et Gran Grif, qui étendent leur emprise sur plusieurs régions stratégiques : Port-au-Prince, le Plateau Central et l’Artibonite. Selon lui, ces groupes armés menacent directement les civils, sabotent les infrastructures de base et affaiblissent davantage l’État haïtien, déjà largement dysfonctionnel.
Il plaide pour une assistance internationale renforcée afin de démanteler les réseaux criminels et de sanctionner leurs soutiens logistiques, financiers et politiques.
Sanctions internationales : application en échec
Cette visite diplomatique intervient alors que le Comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU, établi par la résolution 2653 (2022), a tenu lundi une réunion à huis clos. L’objectif : évaluer l’application de l’embargo sur les armes destinées à Haïti.
Les experts de l’ONUDC et de l’Agence de sécurité de la CARICOM (IMPACS) y ont dénoncé les insuffisances majeures dans le contrôle des flux illicites, confirmant que l’embargo est régulièrement contourné. Un rapport récent du Groupe d’experts (S/2025/356) épingle la passivité de certaines autorités haïtiennes, accusées de « réticence » à faire appliquer les sanctions.
Le cas de Prophane Victor, sanctionné en 2024 pour ses liens avec des gangs, illustre cette dérive : ses avoirs n’ont été partiellement gelés qu’après un long délai, alors que les fonds avaient déjà disparu.
Crise politique persistante
Depuis la destitution de l’ex-Premier ministre Garry Conille en novembre 2024, la nomination d’Alix Didier Fils-Aimé n’a permis ni de relancer la transition ni de faire avancer le processus électoral. Le Conseil électoral provisoire, créé en décembre 2024, reste inopérant. En parallèle, les gangs ont multiplié les attaques, forçant la fermeture prolongée de l’aéroport de Port-au-Prince et la destruction d’hôpitaux.
Le chef de gang Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », a récemment lancé une structure politique baptisée Viv Ansanm, dans ce que les observateurs qualifient de tentative de légitimation d’un pouvoir criminel par des moyens politiques.
Vers une opération de paix de l’ONU ?
En octobre 2024, le Conseil présidentiel de transition a officiellement demandé la transformation de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dirigée par le Kenya, en une mission de paix sous mandat de l’ONU. Une mission d’évaluation a été envoyée, mais sans aboutir à une décision concrète à ce jour.
Appel à l’action internationale
Face à cette impasse, Pierre Espérance insiste : la communauté internationale doit agir. Il appelle à :
- un renforcement du soutien aux forces haïtiennes de sécurité,
- une lutte coordonnée contre les circuits financiers des gangs,
- et une pression diplomatique accrue sur les États et acteurs impliqués dans le chaos haïtien, de près ou de loin.
« Sans action internationale, Haïti continuera de sombrer. Il faut briser le silence et s’attaquer aux racines du mal », a-t-il confié à RHINEWS en marge de ses rencontres à Washington.