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Kidnapping Inc. Oscars 2026 : quand la fiction se confond avec la réalité haïtienne

Entre humour noir et drame social, le film de Bruno Mourral, “Kidnapping Inc.”, porte un regard sans concession sur la violence quotidienne en Haïti. Sélectionné pour représenter le pays aux Oscars 2026, il raconte bien plus qu’une histoire : il met en scène un pays en quête de justice et d’espoir.

Au premier regard, Kidnapping Inc. pourrait sembler n’être qu’une satire politique et sociale sur les dérives d’un pays rongé par la criminalité. Mais derrière les répliques acides et les situations absurdes, se cache un miroir tendu à la société haïtienne, où le tragique flirte sans cesse avec l’ordinaire.

Sorti en janvier 2024, le long-métrage de Bruno Mourral suit le rapt du fils d’un candidat à la présidence, enlevé par deux malfrats maladroits. Ce qui devait être une opération politique de manipulation tourne au drame : l’otage s’échappe, avant d’être accidentellement tué. En toile de fond, un système corrompu où l’enlèvement devient une arme politique et la vie humaine, une monnaie d’échange.

Présenté au Sundance Film Festival, Kidnapping Inc. a séduit par sa maîtrise de l’humour noir, son rythme nerveux et sa profondeur sociale. C’est un film qui dérange autant qu’il captive, porté par un casting puissant : Rolaphton Mercure, Gessica Généus, Anabel López et Patrick Joseph.

Quand tourner un film devient un acte de survie

Derrière la caméra, la frontière entre jeu et réalité s’est effacée. L’acteur Rolaphton Mercure, qui incarne Zoe, a confié au Haitian Times que, pendant le tournage, il vivait sa propre tragédie :

« Le jour, je jouais un membre de gang. La nuit, je négociais avec de vrais ravisseurs pour libérer ma petite amie. »

Cette phrase à elle seule résume la violence qui hante la production. Plusieurs membres de l’équipe ont été victimes d’enlèvements, parfois au retour d’un tournage. L’un d’eux, Ralph Théodore, a perdu la vie en mars 2023 lors d’affrontements entre gangs. D’autres acteurs avaient déjà été kidnappés avant même le début du film.

Ces réalités terrifiantes confèrent à l’œuvre une dimension quasi documentaire — celle d’un pays où même raconter la violence devient un risque.

Un miroir d’Haïti

Dans Kidnapping Inc., Mourral choisit de rire pour ne pas pleurer. Sa caméra dénonce la corruption politique, la collusion avec les gangs et le cynisme d’une société où l’injustice se porte comme une normalité.
Le réalisateur a dédié le film à son père, tué en 2005 dans une fusillade entre gang et Casques bleus de la MINUSTAH — une perte personnelle qui donne à chaque image une résonance intime.

Pour Bruno Mourral, Kidnapping Inc. n’est pas seulement une fiction : c’est un cri collectif. Celui d’un peuple qui vit entre l’absurde et la peur, mais continue de créer, de rire et d’espérer.

Vers les Oscars 2026

Le Comité Ayiti Oscars, présidé par Laurence Magloire, a confirmé la sélection du film pour représenter Haïti à la 98e édition des Oscars, prévue en mars 2026. La première étape sera la shortlist du 16 décembre 2025, où quinze films internationaux seront retenus.

S’il parvient à franchir cette barrière, Kidnapping Inc. pourrait offrir à Haïti une reconnaissance rare, mais surtout symbolique : celle d’un cinéma capable de transformer la douleur en art et le chaos en message.

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