Tribune – La transition politique en Haïti était censée ouvrir une nouvelle page. Mais depuis le 7 mars 2025, date à laquelle Fritz Alphonse Jean a pris la coordination du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), les espoirs d’un cap apaisé s’effritent. Son attitude jugée autoritaire, ses attaques à répétition contre ses pairs, et sa volonté d’étendre son emprise sur tout l’appareil étatique font de lui une figure de plus en plus contestée. Analyse d’un pouvoir qui fracture au lieu de rassembler.
Un coordonnateur qui veut tout diriger
Dès les premières semaines, Fritz Jean a donné le ton : décisions unilatérales, absence de concertation, nominations contestées. Loin d’un leadership collégial, il semble vouloir imposer une autorité présidentielle qu’il ne détient pourtant pas seul. Le CPT compte neuf membres aux pouvoirs égaux – un principe qu’il piétine régulièrement.
Diplomatie clivée et conflits personnels
Jean Victor Harvel Jean-Baptiste, ministre des Affaires étrangères, a été publiquement accusé de sabotage pour avoir résisté aux pressions du coordonnateur. Ce dernier aurait tenté d’imposer ses proches à l’étranger, ce que Harvel a refusé. Résultat : marginalisation, attaques et tension diplomatique.
Même logique dans le cas de Smith Augustin, critiqué pour avoir représenté le pays auprès de l’OEA sans en référer à Fritz Jean – alors que celui-ci s’est lui-même rendu à Washington sans coordination. Deux poids, deux mesures.
Une guerre larvée avec le Premier ministre
Fritz Jean semble incapable de supporter que le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé agisse sans son aval. Toute initiative du chef du gouvernement est suivie de critiques voilées ou de tentatives de court-circuitage. Pire : il aurait cherché à le remplacer discrètement par Daniel Dorsainvil. L’idée ayant échoué, il s’est replié sur une posture d’opposition passive-agressive, allant jusqu’à faire pression pour la révocation d’un vice-délégué ayant accueilli le Premier ministre lors d’un événement national.
Climat de méfiance et querelles stériles
Au lieu d’encourager les synergies, Fritz Jean crée un climat de suspicion. Le programme « Les Mardis de la Nation », lancé par le Secrétariat d’État à la Communication en lien avec la Primature, a été critiqué par lui uniquement parce qu’il n’en était pas à l’origine. L’ego supplante l’intérêt général.
Même des messages anodins, comme une publication historique du conseiller Laurent Saint-Cyr rappelant l’origine du drapeau haïtien, sont interprétés comme des provocations. Ce dernier, désigné pour remplacer Jean à la tête du CPT en août, a vu sa mission au CARICOM sabordée pour que Fritz Jean y aille à sa place.
Des institutions prises en otage
Le style autoritaire de Fritz Jean dépasse le cercle politique. À la douane, il a imposé le maintien d’un directeur contesté. Au ministère de l’Éducation, il est accusé d’avoir court-circuité des nominations. Il entrave la Police nationale en bloquant certains contrats sans justification. Cette volonté de tout verrouiller paralyse l’action publique.
Une transition à la dérive
À l’intérieur même du CPT, la tension est palpable. Emmanuel Vertilaire a dû lui rappeler que la coordination n’était pas une présidence. Louis Gérald Gilles, critiqué pour sa mission à Jérémie, Miradin Morlan traité comme un subalterne : les humiliations internes s’accumulent.
Et le rejet du ministre de l’Économie Alfred Mettelus, coupable de ne pas avoir accepté Dorsainvil, révèle à quel point Fritz Jean place ses intérêts personnels au-dessus de l’intérêt collectif.
Un homme contre tous, un pays à la dérive
La mission du CPT est claire : assurer une transition ordonnée, inclusive et tournée vers l’avenir. Mais sous la coordination de Fritz Jean, le Conseil semble miné par les querelles, les égos et la peur. La transition n’est pas entre de bonnes mains lorsqu’elle devient un instrument de pouvoir personnel.
Il est temps que les autres membres du CPT, les forces vives du pays et les partenaires internationaux appellent à une réorientation urgente du leadership. L’avenir d’Haïti ne peut se construire dans la division ni l’autoritarisme.