L’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) a rendu public, le 8 décembre 2025, un rapport d’enquête approfondi portant sur les déclarations de patrimoine d’entrée et de sortie de l’ancien président Michel Joseph Martelly, qui a dirigé le pays du 14 mai 2011 au 7 février 2016. Cette enquête fait suite à une saisine déposée en septembre 2024 par l’organisation Ensemble contre la corruption (ECC).
Selon l’ULCC, les documents examinés — déclaration d’entrée authentifiée le 1er juillet 2011 et déclaration de sortie datée du 30 janvier 2018 — présentent des irrégularités qualifiées de graves. Celles-ci ont été établies à partir de relevés bancaires (Capital Bank, Unibank, BNC, Sogebank), de registres notariaux, de données de l’OAVCT ainsi que d’extraits administratifs. L’institution anticorruption estime que ces manquements pourraient constituer des infractions de faux et d’usage de faux, au regard de la loi du 12 février 2008 et du Code pénal.
Déclarations tardives et non conformes
L’ULCC souligne que la déclaration de patrimoine d’entrée comporte une date raturée et illisible et n’a été authentifiée qu’à l’issue du délai légal de 30 jours après l’investiture présidentielle. Quant à la déclaration de sortie, elle a été déposée près de 23 mois après la fin du mandat, en violation manifeste de l’article 7 de la loi du 12 février 2008. Pour l’ULCC, ces retards répétés traduisent davantage une volonté d’échapper au contrôle qu’une simple négligence administrative.
Omissions et anomalies bancaires
Le rapport révèle d’importants écarts entre les comptes bancaires déclarés et ceux effectivement identifiés. À l’entrée en fonction, plusieurs comptes, dépôts à terme et prêts, notamment liés à la campagne présidentielle et à la Fondation Rose et Blanc, n’auraient pas été mentionnés. Certains numéros de comptes déclarés se sont même révélés inexistants. À la sortie de fonction, l’ULCC constate également une sous-déclaration significative, avec de nombreux comptes et cartes de crédit non mentionnés, ainsi que des dettes introuvables dans les documents fournis.
Revenus incohérents et non justifiés
L’ULCC relève par ailleurs de fortes contradictions dans la déclaration des revenus. Les montants annoncés au titre des activités artistiques, des conférences et des revenus locatifs ne sont pas étayés par des pièces justificatives suffisantes. Des écarts importants sont aussi notés entre les revenus individuels et familiaux déclarés, ainsi que l’absence de mention de certaines rémunérations perçues sur le Trésor public durant le mandat présidentiel.
Patrimoine immobilier sous-évalué ou incomplet
Sur le plan immobilier, le rapport met en évidence des omissions et des incohérences notables entre les biens déclarés à l’entrée et ceux figurant à la sortie. Certains immeubles acquis avant le mandat n’auraient jamais été déclarés, tandis que d’autres disparaissent sans qu’aucun acte de cession ne soit produit. L’ULCC évoque également des acquisitions réalisées pendant le mandat présidentiel sans justification claire de leur financement.
Véhicules et participations sociétaires non déclarés
Enfin, l’ULCC dénonce la disparition inexpliquée de véhicules déclarés à l’entrée en fonction, ainsi que l’omission de plusieurs véhicules et participations dans des sociétés commerciales, pourtant enregistrées auprès des autorités compétentes. Ces manquements contreviennent, selon l’institution, aux principes de continuité, de sincérité et d’exhaustivité exigés par la loi.
Au terme de son rapport, l’ULCC estime que la situation de l’ancien président Michel Joseph Martelly est juridiquement préoccupante. Des recommandations de poursuites pénales ont été formulées, ouvrant la possibilité d’audiences judiciaires dans les mois à venir. Reste à savoir si l’ancien chef de l’État choisira de répondre publiquement à ces accusations ou d’observer le silence, alors que cette affaire relance le débat sur la reddition de comptes des anciens dirigeants haïtiens.

