Depuis plusieurs années, le football haïtien s’appuie de plus en plus sur sa diaspora. En France, aux États-Unis ou encore au Canada, de nombreux jeunes talents d’origine haïtienne émergent dans les centres de formation et les championnats professionnels. Pourtant, la plupart d’entre eux ne se tournent vers la sélection haïtienne qu’après avoir constaté que leur pays de naissance ne leur ouvre pas ses portes.
Une statistique circulant récemment illustre cette réalité : près de 90 % des joueurs haïtiens nés à l’étranger qui portent aujourd’hui le maillot national ont d’abord attendu un appel d’une autre fédération. Ce constat, loin d’être anodin, soulève plusieurs interrogations.
La sélection de “second choix” ?
Le premier enjeu est celui de la motivation. Peut-on construire une sélection compétitive et ambitieuse avec des joueurs qui n’ont choisi Haïti qu’en dernier recours ? Bien sûr, beaucoup finissent par s’attacher au maillot, mais la différence se sent :
- L’engagement émotionnel n’est pas toujours le même.
 - Certains ne répondent pas aux convocations, ou se retirent dès que la situation devient compliquée.
 - D’autres voient Haïti comme une “vitrine” en attendant une meilleure opportunité ailleurs.
 
Cela n’empêche pas d’avoir des exemples inspirants de joueurs qui donnent tout pour Haïti. Mais la question demeure : Haïti peut-il bâtir son avenir footballistique sur une base aussi fragile ?
Les responsabilités de la FHF
Il serait trop simple de rejeter la faute uniquement sur les joueurs. La Fédération Haïtienne de Football (FHF) porte une lourde part de responsabilité. Les plaintes sont récurrentes :
- Manque d’organisation lors des rassemblements.
 - Conditions logistiques et médicales insuffisantes.
 - Absence de communication claire avec les joueurs.
 - Déficit de vision à long terme.
 
Comment convaincre un joueur professionnel évoluant en Europe de s’investir pleinement, si la fédération elle-même ne lui offre pas un cadre digne de ce nom ?
L’an dernier, la grogne des joueurs
En 2024, plusieurs internationaux ont exprimé publiquement leur mécontentement. Problèmes de primes non versées, hébergements jugés indignes, et surtout un sentiment d’abandon total de la part de la fédération. Ces voix traduisent une réalité : la sélection haïtienne attire les talents, mais ne sait pas les retenir.
Les vraies questions à poser
- Faut-il continuer à miser principalement sur les binationaux, ou investir davantage dans la formation locale ?
 - Comment instaurer une identité forte, où chaque joueur choisit Haïti par conviction, et non par défaut ?
 - La FHF, minée par ses crises internes, est-elle réellement capable d’accompagner une génération ambitieuse ?
 - Et surtout : que signifie vraiment “représenter Haïti” quand on n’a pas grandi dans ses réalités ?
 
Vers une refondation nécessaire
Le potentiel est là. La diaspora est riche en talents, et les jeunes en Haïti rêvent toujours de football. Mais sans une réforme profonde du système, sans un projet clair, Haïti risque de rester prisonnier de ce modèle bancal : une équipe de fortune, dépendante de joueurs en quête de reconnaissance ailleurs, sans véritable plan de développement.
La question n’est donc pas seulement qui portera le maillot bleu et rouge demain, mais surtout dans quelles conditions et avec quelle conviction.

