Port-au-Prince, 12 août 2025 — L’homme d’affaires américain Erik Prince, figure emblématique et controversée du secteur de la sécurité privée, a annoncé la conclusion d’un accord de dix ans entre sa société Vectus Global et le gouvernement haïtien. Ce contrat prévoit deux volets : la lutte contre les gangs armés qui contrôlent une partie du territoire national et la mise en place d’un système de collecte des impôts, notamment sur les marchandises importées depuis la République dominicaine.
Dans un entretien exclusif accordé à Reuters, le fondateur de Blackwater — rebaptisée ensuite Academi — a affirmé vouloir reprendre le contrôle des principaux axes routiers et zones stratégiques aux mains des gangs d’ici un an. « Un indicateur clé de succès sera de pouvoir voyager de Port-au-Prince à Cap-Haïtien en véhicule léger sans crainte d’être arrêté par des gangs », a-t-il déclaré.
Prince n’a pas précisé le montant que le gouvernement haïtien versera à Vectus Global, ni celui des recettes fiscales attendues. Le président du Conseil de Transition, Laurent Saint-Cyr, et l’ancien Premier ministre n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.
Un déploiement militaire privé massif
Vectus Global, déjà active en Haïti depuis mars, a principalement utilisé des drones en soutien à un groupe de travail dirigé par le Premier ministre. Selon une source proche des opérations, l’entreprise prévoit d’intensifier ses activités dans les semaines à venir avec le déploiement de plusieurs centaines d’hommes — Américains, Européens et Salvadoriens — formés comme tireurs d’élite, spécialistes du renseignement et des communications, et dotés d’hélicoptères et de bateaux.
Un passé controversé
Erik Prince, ancien Navy SEAL, est connu pour avoir fondé Blackwater en 1997. L’entreprise a été éclaboussée par le massacre de 14 civils à Bagdad en 2007, commis par des employés de la société, qui ont ensuite été graciés par Donald Trump.
Depuis le retour de Trump à la Maison Blanche, Prince a également conseillé l’Équateur et signé un accord avec la République démocratique du Congo pour sécuriser et taxer ses ressources minières.
Inquiétudes à Washington
La révélation de cet accord a déclenché une vive réaction au Congrès américain. Neuf sénateurs ont écrit au secrétaire d’État Marco Rubio et à la secrétaire à la Sécurité intérieure Kristi Noem pour demander des explications, évoquant de possibles violations de l’Arms Export Control Act (AECA) et du règlement ITAR. Ils exigent notamment de savoir si Prince a obtenu les licences d’exportation requises pour fournir des services militaires en Haïti et si un examen a été mené concernant les risques pour la paix et les droits humains.
Critiques d’experts et d’ONG
Gédéon Jean, directeur du Centre d’analyse et de recherche sur les droits de l’homme en Haïti, avertit : « Le recours à des sociétés militaires privées ne peut être considéré comme une solution durable à l’insécurité. Il a souvent conduit à des violations des droits humains. »
Alors que près de la moitié de la population haïtienne souffre d’insécurité alimentaire et que le commerce transfrontalier est paralysé par l’emprise des gangs, la question de confier la sécurité et la collecte des impôts à une société privée étrangère divise profondément la classe politique et la société civile.