Pignon, 10 juin 2025 – C’est dans le Nord du pays, à Pignon, que le président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Fritz Alphonse Jean, est allé chercher un peu d’air, loin de la tourmente politique qui secoue Port-au-Prince. Accusé de mauvaise gestion et pris pour cible par une partie de l’opinion publique, c’est essoufflé, au propre comme au figuré, qu’il est apparu lors d’une visite de terrain accompagnée de l’agent intérimaire de Port-au-Prince, Youri Chevry.
Selon un communiqué du CPT publié ce mardi 10 juin, la visite visait à recueillir les doléances de la population, notamment celles en lien avec l’insécurité qui ravage la commune voisine de Mirebalais depuis plusieurs semaines. Le président Jean a rencontré des membres de la société civile dans une tentative de montrer que le pouvoir de transition reste à l’écoute – ou du moins qu’il veut en donner l’image.
Promesses sans calendrier
Quatre grandes préoccupations ont été recensées : la sécurité, le soutien à la police, la survie économique de Mirebalais, et la reconstruction de la commune. Sur le papier, l’intention est louable. Dans la réalité, rien de concret.
Le président du CPT a promis des « mesures urgentes » pour permettre le retour des personnes déplacées. Mais à aucun moment le communiqué ne précise de date, de mécanisme, ni de stratégie claire. Même flou autour du soutien à la PNH, pour qui Fritz Jean promet simplement un « paiement régulier » – une obligation de l’État, présentée comme une faveur.
Sur le volet économique, le constat est alarmant : « La population de Mirebalais est entièrement décapitalisée », indique le texte. Mais encore une fois, aucune mesure tangible n’a été annoncée pour relancer l’activité, ni pour accompagner les petites entreprises sinistrées.
Quant à la reconstruction de la commune, elle est évoquée comme un objectif nécessaire, sans qu’aucun plan technique ou enveloppe budgétaire ne soit évoqué.
Un discours national en décalage avec la réalité
Dans un effort d’élargir la portée de son message, Fritz Jean affirme que « plusieurs mesures ont déjà été prises pour lutter contre la présence des hommes armés » dans la capitale comme en province. Une déclaration qui résonne creux pour les citoyens confrontés au chaos, et qui ont appris à faire la différence entre les discours et la réalité.
Il a également lancé un appel à la protection du barrage hydroélectrique de Péligre, infrastructure vitale menacée dans un contexte d’instabilité généralisée. « Même si la frustration est grande, nous devons la protéger », a-t-il plaidé, tout en rappelant que « l’État doit à ses citoyens protection, services et justice ».
Mais quel État ? Celui qui peine à reprendre le contrôle de ses institutions ? Celui dont les dirigeants s’entredéchirent au grand jour ?
Un Conseil Présidentiel fragilisé de l’intérieur
La visite à Pignon intervient quelques jours après une sortie médiatique du président du CPT, dans laquelle il dénonçait certaines dérives au sein du pouvoir. Cette prise de position, inhabituelle, a ravivé les tensions internes. Emmanuel Vertilaire, autre membre influent du CPT, a d’ailleurs publié un message sibyllin sur les réseaux sociaux, que beaucoup interprètent comme un signe de rupture au sein du collège présidentiel.
Plus qu’une simple visite de proximité, le déplacement de Fritz Jean ressemble à une manœuvre politique pour regagner en crédibilité. Mais face à une population lasse des promesses creuses, la route vers la légitimité semble de plus en plus escarpée.