Port-au-Prince, 3 mars 2025 – Dans une démarche inédite, Haïti a été désigné par les Nations Unies comme pays examinateur de Saint-Kitts-et-Nevis dans le cadre de la Convention des Nations Unies contre la corruption (CNUCC). L’annonce, faite par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), marque une étape clé dans l’implication d’Haïti dans les mécanismes internationaux de transparence et de gouvernance.
Une responsabilité confiée par l’ONU
C’est lors de la quinzième session du Groupe d’examen de l’application de la CNUCC, tenue à Vienne du 4 au 8 novembre 2024, que le Secrétariat de la Conférence des États Parties a attribué cette mission à Haïti. L’objectif : évaluer les efforts de Saint-Kitts-et-Nevis en matière de prévention et de recouvrement des avoirs issus de la corruption.
Le pays sera chargé d’examiner l’application des chapitres II (mesures préventives) et V (recouvrement des avoirs) de la convention, un travail essentiel pour juger de l’efficacité des dispositifs anti-corruption mis en place par ce petit État des Caraïbes.
Un processus d’évaluation rigoureux
L’équipe d’experts haïtiens, dirigée par Me Hans Jacques Ludwig Joseph, mènera cette évaluation en étroite collaboration avec les autorités de Saint-Kitts-et-Nevis et sous la supervision de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC). Le processus comprendra :
– Des visites sur place pour analyser les structures institutionnelles et juridiques mises en place.
– Des entretiens avec les autorités locales, notamment les responsables gouvernementaux et judiciaires.
– Des consultations avec la société civile pour évaluer l’impact réel des politiques de lutte contre la corruption.
À l’issue de cette analyse, un rapport détaillé sera soumis à l’ONU, mettant en lumière les avancées et les lacunes du pays évalué, ainsi que des recommandations pour renforcer son dispositif de gouvernance.
Haïti, un examinateur sous le feu des critiques ?
Si cette mission renforce la position d’Haïti au sein des instances internationales de lutte contre la corruption, elle soulève également des interrogations. En effet, Haïti lui-même figure parmi les pays les plus corrompus au monde, occupant la 168ᵉ place sur 180 dans le dernier Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International.
Certains observateurs s’interrogent : comment un pays gangréné par la corruption peut-il évaluer un autre État sur ce sujet ? Pour ses détracteurs, cette nomination met en évidence les contradictions du système international, tandis que pour ses défenseurs, c’est une opportunité pour Haïti de renforcer ses propres mécanismes en s’inspirant des bonnes pratiques identifiées lors de cette mission.
Un test pour la crédibilité haïtienne
Malgré ce paradoxe, Haïti a déjà conduit des évaluations similaires, notamment en Corée du Sud, et cette nouvelle mission pourrait permettre à l’ULCC de renforcer son expertise. Mais au-delà de l’analyse des institutions de Saint-Kitts-et-Nevis, c’est aussi la crédibilité d’Haïti dans la lutte contre la corruption qui est mise à l’épreuve.
L’enjeu est de taille : cette mission sera-t-elle une simple formalité diplomatique ou une véritable occasion pour Haïti de prouver sa capacité à lutter contre un fléau qui gangrène sa propre administration ?