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Le nouveau secrétaire général de l’OEA n’exclut pas un dialogue avec les gangs

À peine nommé à la tête de l’Organisation des États américains (OEA), Albert Ramdin crée la surprise – et l’inquiétude – en évoquant, sans détour, la possibilité de négociations avec les gangs qui contrôlent la majorité de la capitale haïtienne.

Dans une entrevue publiée ce lundi sur le site de The Dialogue, plateforme continentale de réflexion politique, Ramdin a déclaré que toute sortie de crise en Haïti nécessitait « des discussions avec la totalité ou la plupart des parties prenantes », n’excluant donc pas les groupes armés.

« Nous devons examiner si, d’une manière différente, nous pouvons gérer le contexte sécuritaire », a-t-il avancé, en précisant que s’il faut combattre les activités illégales des gangs, une autre option serait de « tenter de les pénétrer, eux et leurs dirigeants, éventuellement par procuration. »

Ces propos, tenus à peine dix jours après sa prise de fonctions, tracent les contours d’une stratégie régionale qui pourrait rompre avec la ligne dure adoptée par certains États membres, notamment les États-Unis, qui ont récemment classé Viv Ansanm et Gran Grif comme organisations terroristes étrangères.

Un virage diplomatique sous tension

Ramdin envisage d’amorcer les discussions sur une nouvelle feuille de route politique dès la prochaine assemblée générale de l’OEA, du 25 au 27 juin à Antigua-et-Barbuda. Il souhaite un engagement des acteurs haïtiens autour d’un référendum constitutionnel et du maintien des élections prévues pour le 15 novembre. Des objectifs, souligne-t-il, qui ne pourront être atteints sans une amélioration tangible de la sécurité nationale.

Mais l’affirmation qui choque le plus est sans doute celle-ci :

« Nous devons trouver un moyen de ramener les gangs à la normale. »

Quand le langage diplomatique flirte avec la complaisance

Dans un pays où les gangs contrôlent les ports, empêchent l’acheminement de l’aide humanitaire et instaurent la terreur au quotidien, évoquer un retour à la “normale” par le biais de négociations interroge. Faut-il normaliser l’anormal ? Entamer un dialogue avec ceux qui utilisent le viol, le kidnapping et l’intimidation comme monnaie d’échange ?

Le propos est loin d’être anodin. Il pourrait bien alimenter une nouvelle crise de confiance entre les populations haïtiennes et les institutions régionales.

Dialogue ou reddition ?

L’argument est simple : sans sécurité, aucune avancée politique ni économique n’est possible. Mais ce « dialogue » potentiel avec les chefs de gangs, alors que la communauté internationale peine à soutenir efficacement la Police nationale d’Haïti, pourrait être perçu comme une capitulation stratégique.

« Si nous échouons en Haïti, nous manquerons notre objectif de démocratie, de paix et de prospérité », a dit Ramdin.

Mais une démocratie peut-elle émerger d’un compromis avec l’impunité ? C’est toute la question. Et c’est aussi la responsabilité de ceux qui prétendent parler au nom des peuples opprimés.

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