Port-au-Prince, 8 décembre 2025. – L’Unité de Lutte contre la Corruption (ULCC) a publié ce lundi un rapport accablant mettant en évidence de graves irrégularités dans l’exécution du projet d’aménagement, de restauration et de protection des sites patrimoniaux de l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN). L’enquête, ouverte à la suite des dénonciations de la Fondation Je Klere (FJKL), met directement en cause le Directeur général Patrick Durandis et le coordonnateur du projet, Elsoit Colas.
Selon les premières conclusions, les responsables de l’ISPAN auraient sciemment contourné la loi du 10 juin 2009 sur la passation des marchés publics. Plusieurs contrats de restauration ont été attribués sans appel d’offres, sans ouverture de plis et en totale violation des normes établies. Parmi les entreprises sélectionnées figurent BARGEC, dirigée par l’ancien DG de l’ISPAN Jean Hérold Pérard, REB DEAL Construction and More, ainsi que Magic Concept et Services — certaines ne disposant même pas de patente.
La Commission révèle également un fractionnement volontaire des marchés, destiné à éviter les seuils légaux imposant la concurrence. À titre d’exemple, BARGEC a obtenu trois contrats pour un montant total de 18,8 millions de gourdes, dont deux portant sur un même site, sans aucune procédure réglementaire. REB DEAL Construction, de son côté, a reçu deux contrats totalisant 14 millions de gourdes, alors que la loi exige une demande de cotation pour tout montant supérieur à 7 millions.
Interrogé par les enquêteurs, le coordonnateur Elsoit Colas a reconnu avoir renoncé à l’appel d’offres, affirmant avoir choisi les firmes à partir d’une base de données interne. Une justification rejetée par l’ULCC, qui souligne l’absence de rapports d’évaluation, de procès-verbaux d’ouverture de plis et de documents de préqualification, pourtant obligatoires.
Le rapport pointe également la responsabilité du Directeur général Patrick Durandis, accusé d’avoir imposé lui-même le choix des entreprises et ordonné l’émission de chèques avant le respect des procédures, accordant ainsi des avantages indus à d’anciens cadres ou proches de l’institution, en violation des règles de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP).
Pour l’ULCC, ces pratiques ont faussé la concurrence, compromis la qualité des travaux et fragilisé la gouvernance d’un projet stratégique pour le patrimoine national. La Commission recommande :
- un audit complet des dépenses engagées ;
- la mise en place d’un comité indépendant chargé de réévaluer les entreprises sélectionnées ;
- l’instauration d’un Comité de passation de marchés publics au sein de l’ISPAN.
Sur le plan pénal, l’ULCC demande l’ouverture de poursuites contre Patrick Durandis et Elsoit Colas pour abus de fonction et passation illégale de marchés publics, conformément aux articles 5.5 et 5.10 de la loi du 12 mars 2014.

