Port-au-Prince, 13 février 2025 – Alors qu’Haïti traverse une crise économique et sécuritaire sans précédent, la gestion des finances publiques par les autorités haïtiennes suscite de vives critiques. Des dépenses jugées excessives et mal priorisées alimentent la colère d’une population déjà exsangue, confrontée à une précarité généralisée et à une insécurité grandissante.
Le Conseil présidentiel de Transition, une charge financière lourde
Le Conseil présidentiel de Transition (CPT), composé de neuf membres, représente une dépense considérable pour l’État haïtien. Selon un rapport de l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC), chaque conseiller coûterait environ 26 millions de gourdes par mois, soit un total de 234 millions de gourdes pour l’ensemble du Conseil.
Cette somme, jugée exorbitante par de nombreux observateurs, contraste avec la réalité d’une population où plus de trois millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté. Les services publics, déjà à l’agonie, peinent à répondre aux besoins essentiels des citoyens, rendant ces dépenses d’autant plus difficiles à justifier.
Une visite présidentielle à 500 millions de gourdes
Le 21 janvier dernier, le gouvernement haïtien a débloqué 500 millions de gourdes pour organiser la visite officielle du président colombien Gustavo Petro. Un budget faramineux pour un déplacement de seulement quatre heures, qui a provoqué l’indignation de nombreux citoyens.
Pendant ce temps, les écoles publiques restent fermées, les enseignants étant en grève depuis plus de deux mois pour réclamer de meilleures conditions de travail. Cette dépense, perçue comme un gaspillage des ressources publiques, illustre le décalage entre les priorités du gouvernement et les besoins urgents de la population.
Un comité de réforme constitutionnelle aux rémunérations controversées
Le comité de pilotage pour la réforme constitutionnelle est également au cœur des critiques. Selon son président, Enex Jean-Charles, les neuf membres perçoivent chacun jusqu’à 700 000 gourdes par mois en jetons de présence, soit un total de 6,3 millions de gourdes mensuels.
Ces rémunérations, jugées disproportionnées, suscitent des interrogations, d’autant que l’aboutissement de cette réforme reste incertain. Dans un contexte de crise, de nombreux Haïtiens s’interrogent sur la pertinence de telles dépenses alors que des secteurs prioritaires comme la sécurité et l’éducation sont sous-financés.
5 millions de gourdes pour un carnaval en pleine insécurité
Malgré un climat d’insécurité généralisé, le gouvernement a validé un budget de 5 millions de gourdes pour organiser le carnaval national à Fort-Liberté, dans le Nord-Est. Une décision jugée incohérente, alors que les autorités avaient placé la sécurité parmi leurs priorités.
Pendant que l’État finance des festivités, les gangs continuent d’étendre leur influence, contraignant des milliers de familles à fuir leurs quartiers sous la menace des groupes armés. Cette dépense, perçue comme un signe de déconnexion, renforce le sentiment d’abandon de la population.
Une population excédée par la gestion des fonds publics
Ces choix budgétaires controversés alimentent la colère d’une population déjà exaspérée par l’inaction des autorités face à la crise. De nombreux citoyens et économistes estiment que ces fonds devraient être réaffectés à des priorités essentielles, comme le renforcement des forces de sécurité, la reprise des services publics et la stabilisation de l’économie.
Alors que les États-Unis ont récemment fourni du matériel aux forces de l’ordre haïtiennes, le gouvernement continue d’être pointé du doigt pour son incapacité à allouer efficacement les ressources publiques. Cette gestion controversée risque d’aggraver la situation économique et sociale, renforçant ainsi la méfiance envers les institutions en place.
Un appel à la transparence et à la réforme
Pour les observateurs et acteurs de la société civile, ces dépenses traduisent un manque criant de transparence et de vision stratégique. Dans un pays en crise, la lutte contre la corruption et une réforme en profondeur de l’administration publique apparaissent comme des impératifs incontournables pour éviter une nouvelle détérioration de l’économie nationale.
Alors que la population haïtienne continue de subir les conséquences d’une gestion publique controversée, les appels à une meilleure gouvernance et à une utilisation plus responsable des ressources publiques se font de plus en plus pressants.