Une transition qui tourne au fiasco
Installé avec l’objectif de conduire Haïti vers une sortie de crise, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) est aujourd’hui au centre de vives critiques. Selon le dernier rapport du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), le CPT a échoué sur toute la ligne : les promesses de rétablir la sécurité, de lancer des réformes institutionnelles et d’organiser des élections générales d’ici février 2026 sont restées lettre morte.
Le RNDDH estime que le CPT ne dispose ni d’une vision cohérente, ni d’un leadership efficace. Le Conseil peine à adopter des décisions majeures, comme la mise en place de la présidence tournante ou la nomination des membres de la Cour Supérieure des Comptes. Ce blocage institutionnel contribue à une gouvernance confuse, instable, et profondément politisée.
Gestion opaque, clientélisme et scandales
Un des constats les plus accablants du rapport concerne la gestion des affaires publiques. L’absence d’organes de contrôle, comme l’Organe de Contrôle de l’Action Gouvernementale (OCAG), a ouvert la voie à une administration sans transparence. Les nominations au sein de l’État se feraient sur des critères politiques ou relationnels, plutôt que sur la compétence ou l’intégrité.
Le RNDDH évoque également plusieurs scandales financiers qui ternissent l’image du pouvoir en place, notamment au sein de la Banque Nationale de Crédit (BNC), institution publique pourtant cruciale pour l’économie haïtienne. Ces révélations jettent une ombre sur la volonté réelle du CPT de rompre avec les pratiques de corruption qui gangrènent la politique haïtienne depuis des décennies.

Une explosion des violations des droits humains
Au-delà des échecs institutionnels, le RNDDH tire la sonnette d’alarme sur l’aggravation inquiétante des atteintes aux droits humains. Depuis l’installation du Conseil en avril 2024, la situation sécuritaire s’est considérablement dégradée, en particulier dans la région métropolitaine de Port-au-Prince. Des groupes armés continuent de semer la terreur sans être inquiétés, pendant que les autorités restent largement inactives.
Les libertés fondamentales sont aussi en net recul. Le rapport fait état de nombreuses manifestations pacifiques réprimées de manière brutale, de journalistes attaqués, et même de stations de radio incendiées. La presse, pourtant pilier de la démocratie, se retrouve de plus en plus muselée.
Autre point noir : le taux de détention préventive prolongée dans les prisons haïtiennes dépasse aujourd’hui 82 %, un chiffre alarmant qui traduit l’effondrement du système judiciaire. La majorité des détenus croupissent en prison sans avoir été jugés, parfois depuis plusieurs années.
Quant aux enquêtes sur les massacres perpétrés en 2024 et 2025, elles sont au point mort. Cette inaction nourrit un sentiment d’impunité et contribue à renforcer la méfiance des citoyens envers les institutions de l’État.
Le RNDDH appelle à un réveil collectif
Face à ce tableau sombre, le RNDDH lance un appel fort à la mobilisation nationale. L’organisation exhorte les forces vives de la société haïtienne — organisations de la société civile, syndicats, associations, intellectuels, diaspora — à exiger une véritable transition politique, respectueuse des institutions démocratiques et des droits fondamentaux.
Le temps presse. Si la trajectoire actuelle se poursuit, Haïti risque de s’enfoncer davantage dans une spirale d’instabilité, de violence et de désespoir. Une réforme en profondeur du système politique et judiciaire est plus que jamais nécessaire pour restaurer la confiance et ouvrir la voie à une paix durable.