Prison en Haiti

Système carcéral haïtien : 80 % des détenus sans jugement, un effondrement annoncé

Selon les chiffres révélés par Marie Yolène Gilles de la Fondasyon Je Klere (FJKL), près de 80 % des prisonniers en Haïti n’ont jamais été jugés. Sur 7 178 détenus, 5 843 attendent encore une audience, parfois depuis plusieurs années, tandis que seulement 1 335 ont été condamnés.

Ce blocage judiciaire alimente la surpopulation et plonge les prisons dans une crise sans issue. « Les audiences sont trop rares, les juges peu actifs, parfois corrompus », dénonce Mme Gilles.


Des prisons détruites ou inadaptées

Haïti compte officiellement 24 établissements pénitentiaires, mais seulement 14 sont fonctionnels. Les autres sont inadaptés ou ont été détruits par des gangs, comme la prison pour femmes de Cabaret, celle de Croix-des-Bouquets ou le pénitencier national de Port-au-Prince.

À Jacmel, conçu pour 120 personnes, le centre pénitentiaire héberge plus de 800 détenus. Le mois dernier, 14 y sont morts et plus de 200 sont gravement malades, selon Me Frantz Comonce.


Une gestion marquée par le chaos et l’abandon

Les conditions de vie des prisonniers sont dramatiques :

  • 35 gourdes par jour et par détenu seulement sont allouées par l’État ;
  • la nourriture, quand elle existe, doit parfois être acheminée en payant des rançons aux gangs ;
  • seulement trois médecins desservent tout le système carcéral, concentrés dans l’Ouest ;
  • dans plusieurs prisons, aucun personnel médical n’est disponible.

Aux Gonaïves, une seule infirmière s’occupe de centaines de prisonniers. À Port-de-Paix, il n’y a tout simplement aucun soin.


Témoignages d’un enfer carcéral

Les récits abondent et dressent le portrait d’un système au bord de la rupture.

  • À Petit-Goâve, six détenus sont morts en quelques semaines.
  • À Saint-Marc, 349 sur 549 prisonniers attendent toujours leur procès.
  • À Hinche, près de 500 détenus survivent sans eau potable et dans des conditions insalubres.
  • Au commissariat de Delmas 33, 70 personnes s’entassaient dans 35 m², dormant à genoux ou accroupies, sans nourriture ni soins. Parmi elles, un mineur était enfermé avec des adultes, en violation flagrante de la Convention internationale des droits de l’enfant.

« Ils meurent à petit feu »

Entassés, affamés et privés de soins, les prisonniers haïtiens subissent un traitement que des défenseurs des droits humains qualifient d’inhumain et dégradant.
« Ils meurent à petit feu, abandonnés à leur sort », déplore Me Arnel Rémy, rappelant que ces conditions transforment les prisons en zones de non-droit et en lieux de violations massives des droits fondamentaux.

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